Commentaire "Bétagout"
Commentaire "Bétagout"
Bonjour , ô moine d'entre les moines ,
( manac'h en breton, venant directement du latin monachus )
J'ai lu le dernier article du blog au sujet des vêtements .
Ainsi donc , notre mot chupenn , tellement breton , serait d'origine arabe ?
Cela déconstruit tout l'argumentaire des natios qui ont décidé une fois pour toutes que telle ou telle chose est estampillée
celtique ou pas .
Tout ce qui fleure bon le triskell est acceptable mais , dans le cas de figure où " Je ne suis pas Celte que vous croyez " , il
faut balayer, astiquer ,récurer , gratter jusqu'à l'os pour éradiquer l'ennemi , surtout quand il sent le jacobin .
La langue , contrairement à la pensée identitaire , n'est pas un monolithe , une sorte de statue en granit ( chinois ? quelle
horreur ! ) comme celles qu'on voit dans la Vallée des Saints à Carnoet . Il s'agit d'un matériau composite complexe, avec
ses strates , ses ajouts , ses ravalements de façade , sa vie en un mot .
Les vases communicants fonctionnent à plein régime quand on parle langue ; emprunts et adaptations sont la règle de base
et tout système linguistique ressemble à un véritable habit d'arlequin .
Prenons le mot lambik , tellement de chez nous . Quand un natio met une goutte de lambik dans son café ( et quand je dis une
goutte ... ) sait-il qu'il s'envoie derrière la cravate quelque chose qui vient directement da la langue de l'ennemi , le mot lambik
venant du français alambic, venant lui-même de l'arabe ?
Et quand il mange un morceau de kouign amann pour accompagner son café-lambik , réalise-t-il que le kouign de ce gâteau
tellement breton est l'adaptation du mot français coin ?
Et quand il parcourt la Bretagne bretonnante , se rend-il compte que les composantes emblématiques de nos toponymes ne sont
pas bretonnes pour un sou ? Nos loc , ou lok , viennent tout droit du locus latin voulant dire lieu ; gwik vient du latin vicus signi-
fiant petite agglomération . Et nos ker, nos chers ker ? Ils sont en relation directe avec le latin castrum . Quant aux plou , ces
plou qui signent tellement notre Bretagne que des imbéciles s'en sont inspiré pour forger le tellement méprisant plouc , leur
ancêtre est le mot latin plebs, voulant dire le peuple .
Les natios ont un côté épurateurs ethniques : tout ce qui n'est pas celte doit être banni . Autant dire alors qu'il va y avoir du
travail car les choses bien de chez nous se révèlent en fait comme des réalités multiculturelles et linguistiques , et cela s'appel-
le la vie .
Ce sont ces natios qui vont nous sortir des aberrations du style Degemer mat , arabat ou trugarez quand ces expressions sen-
tent l'imposture : ou elles ne sont employées que dans un contexte socio-culturel précis et très localisé comme arabat ou elles
sont copiées du français ( ou de l'anglais ) comme degemer mat .
J'ai un voisin , bretonnant de naissance , qui se désole de ne pratiquement plus parler sa langue maternelle et de n'entendre
que de la novlangue à la radio ou la télévision et qui , quand il a l'occasion de s'adresser à quelqu'un , lui dit : " Mond a ra à
peu près ? " Et cette expression, natios de mes fesses , est incontestablement très bretonne car elle concrétise la cohabitation
de deux systèmes linguistiques complémentaires et non opposés comme vos délires identitaires voudraient nous le faire croi-
re . On assiste ici à l'assimilation toute naturelle d'une expression d'une autre langue comme on dit , et personne ne s'en of-
fusque , burning out .
Les Anglaais utilisent spontanément deux expressions bien françaises , dont on ne se sert précisément pas en français : un
certain je ne sais quoi et la crème de la crème , la première signifiant quelque chose qu'on ne peut pas définir avec précision
et la seconde le nec plus ultra . Et quand la perfide Albion se sert de nos expressions , elle ne fait pas acte d'allégeance au
jacobinisme . Elle montre tout simplement qu'elle a assimilé quelque chose de vivant alors que les natios se contentent de
sucer des morceaux de granit qu'ils croient purs , alors qu'ils sont peut-être d'origine chinoise .
Quant à moi , même si mon âge avancé ne me permet plus de tricoter des jambes comme avant, j'aimerais bien répéter
quelques danses bien de chez nous : la gavotte de mon terroir, celle de la montagne , mais le mot gavotte n'est pas spé-
cialement breton . A supprimer donc . Quant à la danse fisel, ce mot vioent du français ficelle ; à supprimer aussi .
Et il faudra également supprimer la dans Leon car dans est incontestablement du français . Vous me direz qu'il nous reste
au moins le kost ar c'hoad par exemple , mais kost est du français , le côté .
Pour ce qui est de la gavotte d'honneur , cette danse emblématique du sud de la Cornouaille , à la trappe évidemment car
honneur est un bel exemple de pollution linguistique : ce mot n'est-il pas la francisation ( quelle horreur ) du mot breton
eured voulant dire mariage ?
Enfin : il conviendra de dénoncer à lapolice linguistique le fameux tralalalaléno qui commence toujours du kan ha diskan
en matière de danse : ce n'est pas spécialement breton .
Je vous laisse à votre pieuse lecture du Buhez ar Zent, en n'oubiant quand même pas que Zent fait furieusement penser au
français Saint et venant lui aussi du latin Sanctus , d'origine indo-européenne .
Et , atterré de savoir que le breton est pollué de toute part , je vais me préparer pour midi un bon petit plat à base de
kig sal ; quand j'aurai déjeuné , j'irai jouer au boultenn et , en soirée , je m'offrirai une balade à Pont Melvez .
Et merde : sal vient de salé , boultenn contient le mot boule et pont vient honteusement du français pont .
Il ne me restera plus qu'à préparer le prochain Pardon de mon secteur , réviser la fameuse chanson Bannielou Lambaol
et le magnique cantique Da feiz hon tadou koz .
Et j'en ai rien à foutre si pardon , banniel et feiz rappellent trop pardon , bannière et foi .
Prof De Guermont