Faux cul
Faux cul
Il y a quelques jours , je suis allé boire un coup dans un bar carhaisien .
J'ai dû me frayer mon chemin jusqu'au comptoir car se trouvaient beaucoup de
clients , les yeux rivés sur un grand écran de télévision, et qui lançaient des
exclamations de haute portée intellectuelle car on diffusait en direct un match
de football .
Entre deux meuglements , j'ai réussi à avoir un café et suis sorti sur la terrasse .
Comme je m'installais , j'ai entendu une clameur considérable ponctuant , je
suppose , quelque but réussi .
A la table à côté , un type me dit quelque chose que je n'ai pas compris à cause
du bruit ; je lui fais comprendre poliment que je n'avais pas entendu et il me répète
ceci : « Y'a d'l'ambiance , hein ? »
Comme mon interlocuteur ne vociférait pas comme un demeuré , j'en ai déduit
qu'il n'était pas spécialement adepte du ballon rond et que sa déclaration était
plutôt un constat qu'une déclaration de soutien inconditionnel aux joueurs du
match , et j'ai risqué ceci :
« Vous savez ce qu'a dit Jorge Luis Borges , le grand écrivain argentin ? »
Le type m'a alors regardé avec des gros yeux bovins et j'ai alors réalisé que j'a-
vais de toute évidence ouvert ma bouche de manière trop précipitée .
Je me lançai quand même :
« Le football est populaire parce que la bêtise est populaire . »
Et le type , avec un air mauvais : « Je joue au football ! »
Faux cul en diable , je me suis empressé d'ajouter : « Vous savez , c'est Borges
qui l'a dit , hein ! »
Ce disant , je n'ai pas menti , mais j'ai bien réalisé que le type , malgré son quo-
tient intellectuel limité , avait bien compris que je n'étais pas spécialement in-
téressé par ses jeux de baballe au piedpied .
J'ai donc avalé mon café à toute vitesse , enfourché mon vélo et pédalé à toute
vitesse pour me tenir éloigné de mon type qui avait eu le temps de bien digérer
que je me foutais carrément de sa gueule .
Vous trouvez que je vis dangereusement ?
Prof De Guermont