Markowicz
Je lis en ce moment Partages , volume 2 , de André Markowicz .
Remarquable .
Quelle culture ! Quelle finesse ! Quelle sensibilité ! On sent beaucoup d'humilité dans
ce personnage , la douceur totale de celui qui ne se met pas en avant pour impression-
ner les autres mais qui vous délivre un message culturel de très haute volée .
A la fin de son livre , Markowicz ( c'est breton comme nom ? encore un Russe qui vient
manger les artichauts, le kouign-amann et le pâté Henaff des honnêtes Celtes de chez
nous ... Ma n'eo ket or vez ! ) parle avec brio de la langue bretonne , en expliquant sim-
plement mais brillamment que le breton a été confisqué par des intellectuels pour des
raisons idéologiques et que, confiné dans le système institutionnel ( école notamment ) ,
il s'apprend comme une langue étrangère , enseigné par des gens qui ne connaissent
du breton que ses formes écrites et ses normes . " Ce qu'on peut apprendre d'une lan-
gue à l'école , c'est juste le squelette de cette langue - quelle que soit la langue . Le sque-
lette , je veux dire la grammaire , les bases . Mais personne ne parle anglais sans avoir
vécu dans un pays anglophone ... "
Or , les néo-bretonnants qui sortent des moules de Diwan ou de Roudour n'ont qu'un
squelette d'invertébrés , une consistance de mollusques : la chair est absente .
Et cette chair s'obtient et prend de la matière et de la densité , donc de la vie , en s'é-
toffant au contact de ceux qui pratiquent la langue de manière naturelle et authentique .
Or , ceux-là se meurent : et quand on est mort , il ne reste que des os .
De plus , les enseignants style Diwan ont appris le plus souvent leur " breton " avec des
personnes de langue française pensant en français . On voit le résultat ... Cela me fait
songer à Andrew Lincoln , ancien président de Diwan , brittanique , qui parle français
avec un léger accent anglais et breton avec un accent carrément français : c'est tout
dire de sa filiation linguistique !
Enfin, Markowicz parle de Yannick Dabo , qui a appris le breton standard et l'a désap-
pris pour se construire un parler vivant : on est loin ici du squelette , de la structure
aussi vivante qu'un échafaudage ; le mot s'est fait chair , et seuls les rayons X peuvent
faire savoir qu'existent des os qui charpentent le tout . Chez les néo-bretonnants et
leur charabia hors-sol , seul le squelette , à la sauce française, est bien visible .
Prof De Guermont