Imposture (suite 3)
Imposture (suite 3)
Un témoignage au sujet de la langue de la mère
Il y a quelques années disparaissait un excellent ami , bretonnant de naissance .
Intellectuel consommé , il avait appris le français à l'âge de sept ans et fait carrière comme journaliste . Quand j'ai appris qu'il était très mal, je suis allé lui rendre visite à l'hôpital où il se trouvait . Il n'était pas encore entré en agonie, mais il n'avait plus que de rares moments de lucidité . Autour de son lit se trouvaient trois personnes , dont moi-même, et nous essayions de dialoguer avec lui , mais il restait complètement silencieux . Comme je me souvenais qu'il avait suivi le même parcours que moi ( trois ans d'enseignement au Royaume-Uni ) et qu'il parlait parfaitement anglais de manière délicieusement surannée, je me suis adressé à lui dans cette langue pour voir s'il allait réagir . Rien . Je lui ai alors dit une phrase qu'il m'avait appris en breton , une phrase de breton bien populaire et imagée . Il a alors ouvert une paupière, découvrant un de ses yeux qu'il avait très bleus, et m'a gratifié d'un immense sourire . C'est la dernière fois que je le voyais car il est mort deux semaines après .
Je trouve cela très poignant, d'abord parce qu'il s'agit d'un ami très cher bien entendu, mais aussi car on a ici un exemple non négligeable de l'impact de la langue originelle sur le mental .
Professeur de Guermon